« En réponse à
notre époque de mensonge et d’artificiel, le poète Hafid Saïdi délie une poésie
fluide et sincère, claire et entière, évidente et émouvante. En réponse à notre
époque de désengagement, soucieuse seulement du superficiel, d’une émotion
ponctuelle ouvrée d’abrutissements, à l’apanage du stéréotype, la poésie d’Hafid
saïdi s’en démarque par une révolte en vers libres et en rimes cristallines, assoiffée
d’introspection et de vérité (pour ne pas oublier / les sinistres époques / Où
le verbe se conjuguait / Au temps de l’inquisition / J’écris dans le miroir de
chaque couleur.) Poésie dévolue à la tolérance, à la générosité et à une envie
de vivre autrement qu’en l’état d’une simple brique dans un mur au format de la
« bien-pensance » (ce soir / la lune est derrière les barbelés / Le
monde devient étrange / C’est un poète qu’on assassine.) Hafid Saïdi, au-delà
de bonifier mots et verbes choisis minutieusement pour flatter la sensibilité
de sa plume, il nous amène à une certaine spiritualité suggérée par la
subtilité d’images, de sensations, d’atmosphéres (Pour toi / Un poème / Sur une
page de sable / Et / des paroles / En algues / pour faire danser les lettres /
dans le profond / Des mille silences.) Le tout puise dans une source évidente d’un
profond amour pour l’autre malg’é les désillusions de l’expérience, d’un
continuel émerveillement face au miracle de vivre sur terre (la porte s’ouvre /
Dans le temps / Qui verse la sève du matin.)
Comment être sûr de sa
volonté d’aimer l’autre et de l’humaniser (Aux poèmes encerclés / Aux verbes
fugitifs / Aux ruelles sans nom / Au rêve / A l’utopie) ? Comment être sûr
de sa volonté d’évoluer lui-même dans sa quête de devenir toujours plus humain,
de toujours aspirer à la volupté de mieux s’accepter, au détour d’un engagement
sans concession pour aider son prochain, qu’à la lecture et à la rencontre de
sa poésie aussi cotonneuse que révoltée, aussi sensible que résistante, aussi
pure qu’âpre (nous étions alors / Les enfants de la rue de l’Amérique Latine /
sans craindre d’avoir / Une tache de sang sur le front.)
Lui, l’éclectique, lui, l’œcuménique, nourrit notre Cœur,
notre réflexion d’universalité. Poésie à la remarque ambitieuse, éprouvante
pour lui s’efforce humblement de chercher à embellir l’autre d’un meilleur, d’un
sentiment de fraternité. Alors, quoi de plus beau et de plus jouissif que de
cueillir au creux de ses vers, le souffle profond d’un doux vent nocturne ! »
Boriana et Jacques Constant-Poueyo
(Poètes et romanciers)
Extraits Des vents nocturnes
Pour ne pas oublier
Les sinistres époques
Où le verbe se conjuguait
Au temps de l'inquisition
J'écris dans le miroir de chaque couleur
Je crie dans les saisons
Les lumières assassinées
Et les lueurs de chaque lendemain.
Les regards brisés
Les regards brisés
Qui ne comprennent
Pourquoi
Pèse
Sur le coup de nos silences
L'insolent présent
De la parole arrachée.
Les regards brisés
Dans une aube qui meurt
Ainsi
Soudain
Tout recommence
Et vient le jour
Pour un siècle et mille ans
Piétiner encore
Sur nos chemins de traverses.
Mais dans la solitude des villes
Coule
Parfois
Comme une beauté d'écume d'hyades rêveuses
et le vent du soir
Dans nos coeurs
S'apaise.
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